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Covid-19 et perte d’exploitation : le CIC-Crédit Mutuel condamné sur le fond

Covid-19 et perte d’exploitation : le CIC-Crédit Mutuel condamné sur le fond

Covid-19 et perte d’exploitation : le CIC-Crédit Mutuel condamné sur le fond

François-Xavier Peron

Agent général Assurances chez Gan Assurances

Le 20 octobre 2020, le tribunal de commerce d’Annecy a condamné en première instance le CIC-Crédit mutuel à indemniser la perte d’exploitation subie pendant le confinement par le restaurant Les 2 Mules, établissement installé à La Clusaz en Haute-Savoie. Pourtant le 18 juin de cette même année, le même tribunal saisi en référé avait rendu une décision contraire. Pourquoi et quelles en sont les conséquences ?

Il faut bien avoir en tête 2 choses : premièrement il faut distinguer deux procédures : l’instance en référé et l’instance au fond ; et deuxièmement savoir que la perte d’exploitation sans dommage n’est pas un risque assurable (risque systémique).

L’instance au référé : lorsqu’une personne saisit une juridiction en référé, celle-ci ne doit pas juger le litige sur le fond mais sur le caractère urgent de la requête. Or, concernant le litige opposant les assureurs à certains restaurateurs, les condamnations des assureurs à payer des pertes d’exploitation ne se sont faites que sur la requête de l’urgence, ces restaurateurs étant de fait dans une urgence économique. Il y a eu là deux scandales :

  • des tribunaux en référé ont condamné des compagnies à payer foulant au pied toute règle contractuelle, alors que le risque pandémique était spécifiquement exclu ;
  • les médias mainstream et démago du genre BFM, peu scrupuleux de la réalité et trop heureux de lyncher les assureurs, ont rapporté à coups de grands titres la condamnation de compagnies, les accusant de ne pas vouloir respecter leur contrat, sans se soucier du fait que ces condamnations n’avaient pas pour but de porter un jugement de fond.

L’instance au fond : C’est là qu’ont lieu les vrais jugements, ceux qui opposent arguments de droit à arguments de droit, pour autant que les magistrats ne soient pas dans l’idéologie… Or sur ces jugements de fond, quand un contrat exclut de façon spécifique un risque, le restaurateur est débouté.

La perte d’exploitation sans dommage : un risque est assurable si celui-ci est mutualisable. Par exemple je peux assurer pour 300 € ma maison à 300 000 €, si seulement une maison sur 1000 brûle. Les milles cotisants ont mutualisé chacun 300 € (300 € * 1000 cotisants) et ont donc payé l’incendie de 300 000 €. Ce système fonctionne si ma probabilité d’incendie est de 1 sur 100. Mais si toutes les maisons brûlent de façon certaine, il n’y a pas de mutualisation possible. C’est ce qu’on appelle un risque systémique, et donc non mutualisable par nature. C’est le problème d’une pandémie et d’un confinement : ils enlèvent tout aléa et probabilité et touchent tout le monde en même temps, d’où leur exclusion des contrats d’assurance, ces évènements n’étant pas assurables.

Voici le contexte général. Or dans le cas de ce restaurant Les 2 Mules, un autre facteur intervient. Ce restaurateur est assuré auprès du CIC-Crédit Mutuel par son contrat Acajou. Ce contrat, du fait d’une mauvaise rédaction, couvre de facto la perte d’exploitation sans dommage et donc y compris avec le risque pandémique, où celui-ci n’est pas exclu.

Un tel état de fait oblige donc ce bancassureur à payer la perte d’exploitation durant la durée du confinement à tous ses assurés. Voyant le danger venir, le CIC-Crédit Mutuel s’est lancé dans une communication mensongère, affirmant que son contrat ne pouvait couvrir la perte d’exploitation liée au Covid mais proposant “une prime de relance mutualiste” qui n’avait que pour seul objectif d’éviter des réclamations d’indemnisation par dizaines de milliers !

Cette “prime de relance mutualiste” a été refusé par le restaurant Les 2 Mules, qui a dans le même temps assigné son assureur en référé, c’est à dire sur l’urgence. Or ayant refusé la prime du CIC, le tribunal a estimé le 18 juin que le restaurateur ne pouvait se prévaloir de l’urgence économique ayant refusé par ailleurs cette “prime”. Ce premier jugement, n’ayant pas autorité pour juger du fond, n’a donc validé en aucune manière le positionnement du CIC-Crédit Mutuel même si celui-ci a prétendu abusivement que ce jugement « confirme sa position juridique » et montre que « le contrat Acajou et ses exclusions ne font pas l’objet d’une contestation sérieuse ».

Mais voici qu’est survenu le jugement de fond, et s’appuyant sur l’analyse contractuelle du contrat en question, le 20 octobre 2020, le tribunal de commerce d’Annecy a condamné en première instance le CIC-Crédit mutuel à indemniser la perte d’exploitation subie pendant le confinement par le restaurant Les 2 Mules. Et c’est justice. Après avoir sali notre profession par une communication odieuse et trompeuse, l’heure est à la vérité.

Il est donc important que tous les professionnels, ayant un contrat Acajou souscrit auprès du CIC-Crédit Mutuel et ayant subi une perte d’exploitation liée au Covid, attaquent ce bancassureur en justice pour se faire indemniser de leur perte d’exploitation.